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Arrêts maladie : quel avenir pour le financement des indemnités journalières ?

Les indemnités journalières (IJ) jouent un rôle essentiel dans notre système de protection sociale, assurant un maintien des revenus, indispensable aux salariés en cas d’arrêt de travail. Cependant, depuis une dizaine d’années, les dépenses d’indemnités journalières font face à une hausse significative tant du côté de l’Assurance Maladie obligatoire (AMO) que des organismes d’assurance complémentaire. Cette évolution des dépenses amène les pouvoirs publics et les organismes de prévoyance à réfléchir aux réponses nécessaires à ces besoins nouveaux de protection sociale. Si des mesures sont déjà envisagées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 (voir article), d’autres pistes pourraient également être envisagées par les pouvoirs publics à moyen terme.

Analyse des tendances : comprendre l’augmentation des arrêts maladie

Les récents rapports révèlent une augmentation de 50 % en valeur des IJ maladie pour l’AMO et de 45 % pour les organismes complémentaires depuis 2014(1), avec un montant total des dépenses de près de 18 milliards d’euros en 2022 tous financeurs confondus. Mais derrière cette forte progression se cachent avant tout des effets structurels et conjoncturels bien connus.

  • Les effets perceptibles de la transition démographique et de l’allongement de la vie professionnelle : sur la période 2010- 2020, le nombre de salariés âgés de plus de 55 ans a progressé de 50 %, représentant 1,8 million de travailleurs supplémentaires selon les données de l’Insee. Cette augmentation des travailleurs plus âgés résulte à la fois du vieillissement démographique de la population active et des réformes des retraites successives qui font progresser le taux d’emploi des seniors. Or ce double phénomène exerce une pression financière notable sur le système d’indemnisation car les arrêts de travail des plus de 55 ans se révèlent plus coûteux que pour les plus jeunes, avec en moyenne des arrêts trois à quatre fois plus longs et des rémunérations indemnisées supérieures en fin de carrière. Et ce phénomène va s’accentuer encore au cours des dix prochaines années avec la dernière réforme des retraites qui a repoussé l’âge légal de départ à 64 ans.
  • Un effet prix : l’évolution de la masse salariale indemnisée a progressé de 30 % depuis 2014. Il n’est donc pas anormal de constater une progression a minima de même nature des prestations d’IJ.
  • Les effets de la crise sanitaire : la pandémie de Covid-19 a eu des répercussions immédiates et évidentes sur le système des IJ. Ces interruptions maladies, amplifiées par les mesures dérogatoires pour cause d’isolement préventif des cas contacts et des parents de jeunes enfants, ont alourdi sensiblement le coût des IJ entre 2020 et le début 2022 avec la vague Omicron. Il faut donc rester prudent sur l’analyse des données sur cette dernière période très atypique. L’évolution des dépenses de 2023 sera cruciale pour déterminer si les tendances constatées se confirment et selon quelle ampleur. D’après les dernières statistiques de l’Assurance Maladie, les IJ maladie à fin septembre diminuent de 5,8 % par rapport à 2022 sur la même période(2).


Au-delà de ces effets connus, plusieurs études publiées par des institutions de prévoyance mettent en avant également une dégradation des arrêts de travail, en nombre et en durée, des salariés les plus jeunes. Aussi, l’année 2023 constitue une année charnière, après trois ans de pandémie active, pour mesurer les évolutions réelles des arrêts de travail des salariés, et identifier, au-delà des effets connus, les déterminants d’une possible détérioration de leur santé à l’origine de ces évolutions.

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Les mesures intégrées dans le PLFSS 2024

Au début de l’été 2023, dans le cadre du bouclage budgétaire des comptes de la Sécurité sociale, le Gouvernement avait évoqué de possibles mesures financières pour le PLFSS de 2024 à destination des entreprises et des salariés. Parmi ces mesures, il avait été annoncé un possible transfert des dépenses d’IJ courts vers les entreprises (indirectement les organismes de prévoyance) via un désengagement de la Sécurité sociale sur les arrêts de moins de huit jours, ou alors vers les salariés eux-mêmes via la mise en place d’un jour de carence d’ordre public. Ces mesures n’ont finalement pas été portées au PLFSS de 2024, le sujet des arrêts de travail ayant été renvoyé à l’agenda social de fin d’année ou début 2025.
Pour autant, le gouvernement a prévu d’ores et déjà un certain nombre d’autres mesures au PLFSS 2024 pour répondre à cette situation. Ces mesures sont essentiellement centrées autour du renforcement des contrôles des arrêts de travail, avec par exemple, la suspension possible des IJ en cas d’avis défavorable d’un médecin contrôleur. Un dispositif de recours pour le salarié est par ailleurs à l’étude. Une surveillance plus pointue des prescripteurs (notamment dans les centres de santé et les plateformes de téléconsultations) ayant un taux élevé de prescriptions d’arrêts est également envisagée. Ces mesures, selon Thomas Cazenave, ministre du Budget, doivent assurer un meilleur équilibre entre la nécessité d’un contrôle efficace et la préservation des droits des assurés.

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À quoi faut-il s’attendre pour 2025 ?

À n’en pas douter, sur les dix prochaines années, les dépenses d’arrêts de travail maladie vont poursuivre leur augmentation sous les effets de la progression des salaires, du vieillissement démographique et du report progressif du départ en retraite. Mais ces évolutions de dépenses devront être mises en regard des évolutions de recettes. Un régime de prévoyance se pilote sur des équilibres entre les cotisations et les prestations. Un dynamisme de dépenses n’est pas forcément synonyme de déficit si les cotisations progressent au même rythme. C’est le cas notamment s’il n’y a pas d’aggravation du risque mais simplement une reprise du marché du travail avec des salariés plus nombreux, ou un dynamisme des revalorisations salariales liées à l’inflation ; ce qui se réalise depuis 2022 par exemple. Aussi est-il urgent de disposer des analyses approfondies de l’Assurance Maladie sur les évolutions du risque et non simplement des dépenses : les arrêts de travail sont-ils plus fréquents, ont-ils une durée plus importante, quelles populations sont concernées, y a-t-il émergence de nouveaux motifs d’arrêts ? Autant de questions qui permettront d’apporter collectivement des réponses adaptées.

Les acteurs de la prévoyance collective se trouvent ainsi à la croisée des chemins. Face à une évolution des dépenses importantes et en recherche d’équilibres financiers permanents, ils doivent trouver des stratégies innovantes pour maintenir un niveau de protection adéquat sans alourdir les cotisations, et surtout apporter des services de prévention en faveur de la santé des salariés. Les institutions de prévoyance sont donc particulièrement attentives à l’évolution des arrêts de travail post pandémie pour assurer, au service des salariés et des entreprises, la pérennité d’une protection sociale complémentaire soutenable et durable.

Sources

  • 1. Sources : rapport AT/MP 2021, nov 2022, fig. 42 ; déclaration de Bruno Lemaire en juin 2023 ; statistiques communes FA, CTIP, FNMF de 2021 et données CTIP de 2022
  • 2. https://www.senat.fr/rap/r20-759/r20-7594.html
  • 3. Les IJ maladie financées par les organismes d’assurance s’élèvent à 5,7 milliards d’euros (Source : Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques)
  • 4. Source : CTIP, 2023

Chiffres clés 2022

Répartition des coûts :
• L’Assurance Maladie obligatoire a versé 11,7 milliards d’euros pour les IJ maladie.
• Les organismes de prévoyance (institutions de prévoyance, mutuelles et assureurs),
ont versé 6 milliards d’euros pour les IJ versées au titre des
arrêts de travail (hors invalidité)(3).
Couverture des salariés :
• Près de 85 % des salariés bénéficient d’une garantie complémentaire de prévoyance(4), qui complète ou prend le relais des indemnités de la Sécurité sociale et de l’employeur.
• Il y a eu 8,8 millions d’arrêts maladie, soit une hausse de 30 % en dix ans.

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Prévoyance, le magazine du CTIP

Cet article fait partie du numéro 79 de Prévoyance, le magazine trimestriel du CTIP. Il existe en version papier et en version newsletter. S’abonner en cliquant ci-dessous.

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