Le 15 janvier dernier, Jacques Creyssel (MEDEF) et Alain Gautron (CGT-FO) ont été élus à l’unanimité Président et Vice-président du CTIP pour une durée de deux ans. Ils reviennent pour Prévoyance sur leurs premiers mois au CTIP et les priorités de leur mandat.
Comment s’est déroulée votre nomination ?
Alain Gautron : Cela fait 6 ans que je siège à la présidence de l’association sommitale du groupe de protection sociale Malakoff Humanis, et il y a 3 ans, j’ai rejoint le Conseil d’administration du CTIP. Ces expériences ont incité ma confédération [CGT-FO] à me désigner à la vice-présidence paritaire lorsque le renouvellement de la présidence du CTIP s’est présenté.
Jacques Creyssel : En comparaison avec Alain, je fais figure de néophyte puisque j’ai été nommé administrateur du CTIP seulement à l’automne 2024, en relation avec mon élection comme vice-président d’AG2R La Mondiale l’an dernier et président début 2025. Ma nomination à ces différentes responsabilités traduit la volonté du MEDEF de promouvoir un membre de son bureau exécutif bénéficiant d’une longue expérience du paritarisme et d’une expérience à la tête d’une grande branche professionnelle, la Fédération du commerce et de la distribution. Ce choix est donc un signal fort du MEDEF de confiance envers les groupes de protection sociale (GPS) et le CTIP.
« Nous ne défendons pas seulement des organismes d’assurance mais le monde économique dans son ensemble. » Jacques Creyssel, Président du CTIP
Que dit-elle des orientations que souhaitent donner les partenaires sociaux au CTIP ?
A.G. : Les dossiers sont ardus et notre nomination reflète la volonté des partenaires sociaux de doter le CTIP d’une présidence qui maîtrise les arcanes du paritarisme et de la protection sociale. Dans ma carrière, j’ai dirigé une caisse primaire d’assurance maladie et une agence régionale de santé. Lorsqu’on défend l’assurance maladie complémentaire, il est utile de bien connaître le régime général. C’est comme cela qu’on peut prôner une collaboration efficace. Enfin, vous noterez que c’est la première fois que la présidence du CTIP est occupée par les présidents des deux plus importants groupes de protection sociale. Nous bénéficions d’un poids politique pour faire avancer les dossiers et pour réaffirmer le rôle majeur du CTIP dans la protection sociale.
J.C. : Dès notre premier conseil d’administration, nous avons affirmé notre volonté que la voix du CTIP soit davantage entendue. Alain et moi-même, du fait de nos carrières respectives, sommes ainsi représentatifs de l’ambition nouvelle du CTIP, à savoir d’être le porte-parole des partenaires sociaux et des institutions de prévoyance et de s’assurer que leur importance et leur rôle soient mieux reconnus par les pouvoirs publics et la presse.
Quelle est votre ambition pour le CTIP dans les années à venir ?
J.C. : Notre volonté est de faire du CTIP une organisation politique et stratégique au service des entreprises et des salariés. Les partenaires sociaux sont légitimes et portent un vrai projet. N’oublions pas que nous gérons des organismes de prévoyance et de complémentaire santé qui sont obligatoirement à l’équilibre et respectent de fortes exigences de solvabilité. Notre gestion est une preuve permanente du sérieux et de l’efficacité du modèle paritaire.
A.G. : Notre responsabilité première est d’être au service des entreprises et des salariés que nous représentons. Par exemple, dans la période récente, nous n’avons pas hésité à hausser le ton face à la baisse des indemnités journalières qui va directement contre leurs intérêts.
J.C. : Nous devons avoir une doctrine forte sur tous les grands sujets. Sur beaucoup de ceux-ci, nous rechercherons en priorité une position commune aux trois familles d’assureurs dans le dialogue avec les pouvoirs publics. Mais le CTIP pourra parfois défendre les intérêts spécifiques des entreprises et des salariés. Par exemple, nous sommes opposés aux transferts de charge qui ne peuvent que conduire à augmenter les cotisations. Enfin, nous avons annoncé un changement de nom. Le CTIP était avant tout un centre technique. Le nouveau nom devra traduire son nouveau rôle.
Quels atouts du paritarisme de gestion incarné par le CTIP souhaitez-vous mettre particulièrement en avant ?
J.C. : Notre action se déploie au nom des entreprises et des salariés et au nom des organisations paritaires nationales. Elle se fonde sur l’accord des partenaires sociaux. Concrètement, cela signifie que nous ne défendons pas seulement des organismes d’assurance mais le monde économique dans son ensemble. C’est la spécificité du modèle paritaire qui œuvre dans l’intérêt des acteurs économiques.
A.G. : À bien des égards, notre pays est bloqué. Plus que jamais, nous avons besoin de dialogue, comme l’incarne la gestion paritaire fondée sur le dialogue social, pour parvenir à des accords qui prennent en compte des intérêts parfois divergents mais souvent partagés. Nos actions sont par ailleurs adaptées à chaque entreprise ou branche professionnelle, notamment en matière de prévention, ce qui en renforce la pertinence et l’efficacité.
Votre arrivée à la présidence du CTIP coïncide avec la signature de l’ANI sur la gouvernance des GPS. Comment votre ambition pour le CTIP va-t-elle se traduire dans la feuille de route sur laquelle vous travaillez avec le Conseil d’administration ?
J.C. : C’est un accord majeur, car il modernise le fonctionnement des groupes de protection sociale en donnant un poids plus important à la structure sommitale paritaire qui est l’organe politique de ces institutions. Dans le même temps, il renforce la mission politique et stratégique du CTIP. La raison d’être des GPS est clairement affirmée : être au service des entreprises et des salariés. L’ANI renforce ainsi la confiance dans la gestion paritaire pour faire vivre ce modèle original, non lucratif et équilibré. C’est la même chose au CTIP où le Conseil d’administration nommé par les partenaires sociaux voit son rôle renforcé. Enfin, c’est un accord unanime qui bénéficie de ce fait d’une forte légitimité.
A.G. : L’ANI est la pierre angulaire du paritarisme. C’est un modèle pour notre pays. Les pouvoirs publics auraient tout intérêt à s’appuyer sur cette force que nous représentons. Nous sommes la preuve que le dialogue social peut fonctionner au bénéfice de tous. Or, les pouvoirs publics ne saisissent pas cette opportunité. Au lieu d’organiser les relations sociales, ils laissent trop souvent la main à la haute administration comme illustré par le débat récurrent autour de la Grande Sécu.
Quel rôle politique voyez-vous pour le CTIP ?
J.C. : Le CTIP a pour vocation de participer encore plus au débat de la cité. Il est en effet à la fois l’émanation des partenaires sociaux et des institutions de prévoyance, ce qui lui donne pour cela une forte légitimité sociale et économique. À travers les institutions de prévoyance, il représente ainsi 2 millions d’entreprises et 14 millions de salariés.
A.G. : Le CTIP doit être une force de proposition. D’ailleurs, les institutions de prévoyance et les GPS le sont déjà sur les sujets les concernant.
Vous avez eu à traiter, dès votre nomination, la fin du PLFSS et son cortège de projets qui impactent les institutions de prévoyance : quel récit pouvez-vous faire de cette entrée en matière particulièrement mouvementée ?
J.C. : Nous avons d’emblée été frappés par l’absence de dialogue avec les pouvoirs publics. Nous apprenions les projets par voie de presse, sans qu’il y ait une concertation avant ou après l’annonce. Ce qui étonne ensuite c’est le côté bricolage des mesures annoncées où on ressort les recettes traditionnelles telles que la hausse de la taxation et les transferts de charge. On renonce à toute mesure structurelle au profit d’une sorte de jeu de bonneteau. Et cela sans aucune analyse des conséquences concrètes des décisions qui sont prises alors qu’il est évident qu’elles se traduiront par une hausse des cotisations importantes pour les entreprises et les salariés. Hausse que les pouvoirs publics ne manquent pas de critiquer par ailleurs. Tout ceci est évidemment dangereux pour l’avenir du système de protection sociale. Le CTIP et les partenaires sociaux proposent de se mettre autour d’une table pour une analyse partagée des défis que nous avons à affronter et pour travailler sur des pistes sérieuses, par exemple sur la lutte contre la fraude. Malheureusement, nous sommes confrontés jusqu’à présent à un refus de dialoguer et même de prendre en compte notre légitimité.
A.G. : Ce manque de dialogue ne fait que renforcer notre volonté de porter nos messages publiquement. Les pouvoirs publics ne nous feront pas taire. Nous avons les preuves de l’efficacité de nos actions et de notre gestion. Cette réalité contraste avec l’absurdité des mesures consistant à augmenter les taxes sur les cotisations. Nous avons des idées pour une meilleure coopération entre la Sécurité sociale et l’assurance maladie complémentaire. Nous sommes résolus à nous faire entendre, même si, à ce jour, nous ne voyons venir aucun signe d’inflexion sur la méthode.
« Nous sommes la preuve que le dialogue social peut fonctionner au bénéfice de tous. » Alain Gautron, Vice-président du CTIP
Quelles sont les priorités en termes de dialogue entre l’AMO et l’AMC ?
A.G. : L’une des priorités évidentes est la nécessité d’un échange des données entre l’assurance maladie obligatoire (AMO) et l’assurance maladie complémentaire (AMC). Outre la lutte contre la fraude, cette coopération permettrait de cibler plus efficacement les mesures de prévention qui sont une priorité partagée par les pouvoirs publics et les institutions de prévoyance. Enfin, avec ce partage, les institutions de prévoyance seraient en mesure de relayer les actions de la Sécurité sociale dans les branches et les entreprises.
J.C. : On a commencé à sentir un changement de ton du directeur général de la CNAM qui coïncide avec notre changement de ton. Il y a peut-être matière à espérer pour l’avenir.
Au-delà du contexte budgétaire actuel, quels sont pour vous les grands enjeux de la protection sociale ?
A.G. : Nous souhaitons participer à la concertation sur les façons d’optimiser notre système de santé en réduisant les dépenses qui ne sont pas médicalement justifiées. Cela passe, nous l’avons dit, par le sujet de la fraude et le développement de la prévention. Le système français de protection sociale fête cette année son 80e anniversaire. Les Français sont attachés à l’articulation entre l’AMO et l’AMC. Nous devons donc travailler ensemble à le pérenniser.
J.C. : Le CTIP n’est pas en charge des évolutions de la protection sociale dans son ensemble. Nous devons rester dans notre rôle qui est très précis. Au-delà des sujets évoqués par Alain Gautron, nous souhaitons aussi travailler sur le contrat responsable, les indemnités journalières et l’épargne gérée par nos institutions. D’une manière générale, nous serons force de proposition pour faire bouger les lignes.
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Prévoyance, le magazine du CTIP
Cet article fait partie du numéro 83 de Prévoyance, le magazine trimestriel du CTIP. Il existe en version papier et en version newsletter. Abonnez-vous.